Egypte : vue d’ensemble de l’île de Philae, avec son temple et le kiosque de Trajan
Datation : 1860-1900
( datation min. : 1860, datation max. : 1900 )Lieu de la prise de vue : Philæ , Gouvernorat d'Assouan , Égypte /Afrique/Égypte/Gouvernorat d'Assouan/Philæ
Analyse :
Le site de Philae se situe sur la 1ère cataracte du Nil, au sud d’Assouan, à presque 700 km au sud du Caire. Cette île comprenait les ruines d’une ville de l’Égypte ancienne, avec, notamment, le magnifique petit temple d’Isis. Jusqu’en 1902, les ruines de l’ensemble antique de Philae sont au sec sur une île. Contrairement à la vue RVX436, la photo ci-dessus nous montre des monuments au sec sur une île (dont la vue ne montre pas les contours).
L’inauguration du grand barrage d’Assouan en 1970 noya définitivement le site.
La vue ci-dessus est un document ; elle rappelle à notre mémoire collective ce que nous avions peut-être un peu oublié : déjà en 1894, les Britanniques avaient entrepris la construction d’un premier barrage juste en aval, à Assouan, pour développer l’irrigation et, en particulier, pour promouvoir sur de vastes surfaces une culture pratiquement industrielle du coton.
Ce barrage, mis en eau en 1902, a eu immédiatement pour effet d’inonder le site de Philae 10 mois sur 12, en dehors de la saison sèche. Ainsi, à partir de cette date, les touristes devaient venir sur le site en barque, ce que Pierre Loti déplora profondément dans un texte « La mort de Philae » : « La noyade de Philæ, écrivait Pierre Loti, vient, comme on sait, d'augmenter de soixante-quinze millions de livres le rendement annuel des terres environnantes. Encouragés par ce succès, les Britanniques vont, l'année prochaine, élever encore de six mètres le barrage du Nil ; du coup, le sanctuaire d'Isis aura complètement plongé, la plupart des temples antiques de la Nubie seront aussi dans l'eau, et des fièvres infecteront le pays. Mais cela permettra de faire de si productives plantations de coton ! »
C’est donc de cet état que la photo ci-dessous témoigne. En outre, le premier barrage fut surélevé par deux fois (entre 1907 & 1912, puis entre 1929 & 1934) aggravant à chaque fois les dommages causés aux édifices.
Notre vue montre d’abord, sur la gauche, le temple d'Isis, situé dans le quart sud-ouest de l'île, la principale construction de Philae. L'esplanade située devant le premier pylône est fermée par un portique aux chapiteaux variés. Le mur occidental est percé de fenêtres donnant sur l'île de Biggeh, désormais un petit îlot depuis le déplacement du temple, et d'un escalier entre la douzième et la treizième colonne menant à un « nilomètre ». La corniche du portique est décorée de disques solaires situés précisément face aux temples d'Arensnouphis, de Biggeh et d'Imhotep ; le plafond est orné de vautours aux ailes déployées regardant vers l'ouest.
Ensuite, sur la droite, nous avons le kiosque de Trajan, une construction réalisée sous le règne de l’empereur romain Trajan. Inachevé, ce pavillon très élégant était le seul visible lorsque le l'île était submergée. C'est une petite construction en forme de portique rectangulaire, mise en chantier vers l'an 100. Elle comporte quatorze colonnes avec de beaux chapiteaux campaniformes. A l'intérieur, on voit l'empereur célébrer les rites d'offrandes devant Isis et Horus, puis Isis et Osiris. Les processions qui se rendaient sur l'Ile accostaient ici et passaient vraisemblablement sous ce kiosque. Les chapiteaux des quatorze colonnes du kiosque s'étagent en ombrelles de papyrus de taille croissante entre lesquelles s'intercalent des boutons floraux. Le kiosque devait servir de reposoir à la barque sacrée de la déesse Isis lorsque celle-ci arrivait ou quittait l'île, à l'occasion de cérémonies religieuses.
A partir de 1960, après plusieurs années de tractations politiques et d'arrangements financiers, le président Nasser prit la décision définitive de la construction du haut barrage d'Assouan. Ce projet constituait une nouvelle menace pour Philae, car l'île se trouvait entre les deux barrages. Le lac de retenue de l'ancien barrage d'Assouan fut en partie transformé mais maintenu. Il était prévu d'abaisser le niveau moyen de ce lac qui atteindrait alors le premier pylône du temple d'Isis à la moitié de sa hauteur, permettant aux ruines d'être en plus grande partie à l'air libre. Mais cette transformation induisait une hausse du niveau de la nappe phréatique ; l'île ne pouvait donc plus être totalement à sec pendant une partie de l'année. En outre, les fluctuations quotidiennes du niveau du lac devaient atteindre six mètres d'amplitude, risquant de provoquer une érosion accrue des pierres et une accélération de la disparition des ruines.
Le sauvetage de Philae fut alors décidé par l’UNESCO qui lança à cette occasion des travaux d’une ampleur inédite, la solution retenue étant la même que pour les temples d'Abou Simbel quelques années plus tôt (voir plus bas) : le démontage des ruines et leur reconstruction sur un nouveau site à l'abri des eaux du lac. Ce déplacement fut orchestré par le ministère de la Culture égyptien et les services d'archéologie du Caire sous l’égide de l'UNESCO, la responsabilité du projet étant confiée à Christiane Desroches Noblecourt, célèbre égyptologue française, déjà à l'origine du sauvetage des temples d'Abou Simbel.
Le déplacement des temples à proprement parler commença avec le découpage des ruines et leur transport en barges vers un site de stockage provisoire. Entretemps, l'île d'Aguilkia située à environ trois cents mètres au nord-ouest de Philae fut préparée pour accueillir les ruines. Le sauvetage fut achevé en 1976. Malheureusement, des dizaines d'autres sites archéologiques d'Égypte, jugés de moindre importance, mais qui faisaient encore l'objet de recherches, ont été définitivement engloutis par la montée des eaux. L’Egypte prit à son compte la moitié du coût de ce transfert.
Bibliographie :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Philae
https://www.baudelet.net/voyage/ Égypte/philae-kiosque-trajan.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ancien_barrage_d ’Assouan
« Victoire en Nubie, 4000 ans d’Histoire sauvés des eaux », Le Courrier de l’UNESCO, Février/Mars 1980
Lieu de conservation : Bordeaux
Type de support : Photographies collées sur carton
Type de stéréo sauvegardée : Anaglyphe (bleu / rouge)
Date d'entrée dans la stéréothèque : Juillet 2011
Proprietaire : Société Archéologique de Bordeaux
N° d'inventaire : SAB033
Elaboration de la notice : Christian Bernadat (indexation collaborative)