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Bordeaux - Trois-mâts à Quai, vraisemblablement le Valparaiso

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Légende sur document :

278. Bâtiments et perspective du Quai (Bordeaux)

Légende imprimée sur une étiquette crème fixée au verso du carton de montage


Mots Clés

Bordeaux Garonne Quai Voilier trois-mâts

Collection

CALVELO
verso

Datation : Vers 1862

Commentaire datation : La photographie est déposée le 10 novembre 1862. Le Valparaiso est à quai à Bordeaux de janvier au 25 mai 1861, puis d'avril au 19 juillet 1862. ( datation min. : 1861, datation max. : 1862 )

Auteur du cliché : Andrieu Jean

Série : Villes et Ports Maritimes , numéro : 278

Editeur : Andrieu Jean , mention d'édition : Photo de J. Andrieu, Paris

Lieu de la prise de vue : Bordeaux , Nouvelle-Aquitaine , France /Europe/France/Nouvelle-Aquitaine/Gironde/Arrondissement de Bordeaux/Bordeaux

Texte au recto : Villes & Ports Maritimes Photo(graph)ie de J. Andrieu, Paris.

Texte au verso : 278. Bâtiments et perspective du Quai (Bordeaux)

Analyse :

Histoire de la photographie :
Le 10 novembre 1862, Jean Andrieu vient déposer plusieurs photographies d'une série non mentionnée clairement mais qui correspond à celle qu'il nommera par la suite Villes et Ports maritimes. A l'occasion de ce dépôt, Jean Andrieu fait enregistrer un lot de 77 photographies de Brest, Bordeaux, Cherbourg et du Havre. Ce tirage porte le numéro 7352 du dépôt légal du département de la Seine.
Commentaire de la vue :
Pour l’amateur d’histoire du port de Bordeaux et d’histoire de la marine, cette vue se présente comme une énigme : un trois-mâts, a priori de commerce, amarré à quai à Bordeaux, sans autre indication. Notons que la légende de la photo donnée par l’éditeur (« Bâtiments et perspectives du quai ») est approximative et plutôt inappropriée : de perspective du quai, on n’en voit pratiquement pas !
Premier élément : avant 1867 (les travaux d’extension vers l’aval seront entrepris de 1863 à 1867), les navires de commerce sont, en principe, amarrés au milieu du fleuve (on dit alors « en rivière »), y compris pour les chargements et déchargements qui se font à partir d’allèges ; les « quais verticaux », ainsi baptisés en opposition au reste des rives de Bordeaux (pavées mais demeurées en pente) sont extrêmement restreints : seulement 911 mètres de long, allant du droit de la façade de l’hôtel des Douanes au droit de celle de l’entrepôt Laîné (pour simplifier : devant la place de la Bourse et la façade sur fleuve de la place des Quinconces, jusqu’à la Bourse maritime) ; ce quai de longueur limitée est réservé de préférence aux paquebots déjà nombreux, souvent déjà à vapeur. La scène doit donc être localisée au sein de cette portion de quai ; dans les faits, nous allons le voir ci-dessous, vraisemblablement devant la place de la Bourse.
Le fait qu’ici soit amarré un trois-mâts de commerce (majoritairement destiné au transport des marchandises, même s’il pouvait embarquer aussi quelques passagers) est donc a priori inhabituel. L’observation en détail de la vue permet en effet de constater que la flèche d’une grue (vraisemblablement la « grue à mâter » encore installée devant la place de la Bourse) est bien visible en diagonale : elle porte un élément de mâture (également visible en diagonale), tandis que le « bout dehors » du beaupré du navire est étonnamment reculé sur le pont (la pièce de bois, placée en biais à l’avant des navires, déborde habituellement largement de la proue ; on vient y assujettir (« frapper » dit-on dans la marine) les étais du mât de misaine (les élingues qui servent à tenir à la verticale le mât d’avant du navire).
On peut en conclure que ce navire est à quai pour une réparation de moyenne importance, un changement de « bout dehors » du beaupré suite à une avarie, et que c’est cette intervention qui explique sa présence à quai. Cette manœuvre est assez délicate, car elle va supposer de détacher les étais du mât de misaine (ce qui n’est fait qu’en partie sur la photo), opération risquée qui suppose une absence de vent et de mouvement de l’eau, car, à ce moment, le mât de misaine sera en équilibre sur son emplanture (des étais de secours seront momentanément frappés sur le pont ou les francs bords).
Deuxième élément : étude du navire pour son identification :
Nous avons sous les yeux un navire à voiles dit « à phares carrés » (en pratique des voiles en trapèze montées à l’horizontale), de coque assez renflée, vu de l’avant (sa proue), à coque en bois : les « bordées » (les lames de bois) qui constituent la coque sont clairement visibles. Malheureusement, à l’époque, le nom du navire et son port d’attache ne sont indiqués qu’à l’arrière (la poupe), à l’opposé de notre vue.
L’examen détaillé de la photo permet de considérer que c’est un trois-mâts (le quatrième mât, qui se devine en arrière semble se rattacher à un second navire amarré par derrière celui-ci). En ce qui concerne le troisième mât en partant de l’avant, dit « mât d’artimon », il semble porter des « vergues », ces éléments de mâture horizontaux portant les voiles « carrées », comme les deux mâts précédents. Ceci caractérise un trois-mâts dit « carré » (en opposition au trois-mâts barque dont le troisième mât porte une voile triangulaire). Le trois-mâts carré est moins maniable que le trois-mâts barque.
Autre caractéristique remarquable, les mâts de ce navire sont tenus (« frappés ») à la coque, non pas sur l’extérieur du franc-bord, comme à l’habitude, mais à l’intérieur de celui-ci. Enfin, ce navire est dépourvu de figure de proue. Ces deux caractéristiques sont assez rares.
Tout ceci permet de caractériser un navire assez spécifique, au final de conception déjà assez ancienne à cette date où les navires à coque métallique commencent à se généraliser.
Or, un élément permet de nous mettre sur sa piste : la « livrée » du navire (sa décoration) est constituée d’une large bande blanche sur laquelle sont peints de faux-sabords noirs ; cette « livrée » correspond à cette date à la « livrée » de l’armement Le Quellec & Bordes, à l’époque déjà grand armement bordelais, avec 9 navires armés (les vrais sabords sont des trappes fermées par des volets qui permettent le tir aux canons des navires militaires).
Notre chance est que cette compagnie a fait l'objet d'une étude détaillée. Au sein de cette liste (assez limitée) de navires, la fourchette de dates (1861-1862) et les caractéristiques ci-dessus permettent de n’en conserver qu'un seul : le Valparaiso, construit sur les chantiers Chaigneau & Bichon en 1848. Ce navire restera dans les armements successifs (notamment A.D. Bordes) jusqu’à de graves avaries qui le condamnèrent en 1876.
Il a donc 13 ou 14 ans d’âge en 1861-1862. De cet armement bordelais, c’est celui qui dessert le plus régulièrement Bordeaux (au moins 7 fois de 1848 à 1867).
Sur la période 1861-1862, il est à Bordeaux deux fois :
- une première fois, en janvier 1861, en provenance de Valparaiso, avec une cargaison de café de nacre et de cuivre, escale qu’il quitte le 25 mai 1861 pour la même destination ;
- une seconde fois, venant de la même provenance, en avril 1862, avec une cargaison de minerai de cuivre, de cornes et de cuirs ; il quitte le port le 19 juillet 1862 à destination des îles Chincha qui dépendent du Pérou, au large de la ville de Pisco, pour charger du guano (dont les européens font un engrais agricole), produit dont l’armement Bordes (qui succède à Le Quellec & Bordes à partir de 1869) s’est fait une spécialité.
Compte tenu de tous ces éléments, il y a une forte probabilité que le navire de cette photo soit bien le Valparaiso, qui profite d’une de ses deux escales pour changer le « bout dehors » de son beaupré ; dans ce cas, la photo de ce navire a pu être prise au cours de l’une de ces deux escales : de janvier au 25 mai 1861, ou d’avril au 19 juillet 1862.

Bibliographie :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10020201g/f241.item
Pellerin, D. (1995) : La Photographie Stéréoscopique sous le Second Empire : Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque nationale de France, Paris, 103.
Cap-horniers français, Tome 2 : Histoire de l’armement Bordes et de ses navires, Claude et Jacqueline Briot, Éd du Chasse-Marée, Douarnenez, oct. 2003
Les quais de Bordeaux rive gauche du XVIIe au XXe siècle : espaces portuaires ou balcon urbain ? Olivier Lescorce, Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, Année 2001 pp. 199-215 (https://www.persee.fr/doc/acths_0071-8440_2001_act_124_1_5935 ).
Quand Lormont construisait des navires, Christian Bernadat, Éd de l’Entre-deux-Mers, Camiac-et-Saint-Denis, Déc. 2023

Etat de conservation : bon

Type de support : Photographies collées sur carton

Dimensions de l'image Haute Définition : 8202 X 4062 pixels

Information développement : Positif

Information couleur : Noir et Blanc

Date d'entrée dans la stéréothèque : Décembre 2023

Proprietaire : José Calvelo

N° d'inventaire : CAL0556

Elaboration de la notice : José Calvelo, Catherine Carponsin-Martin et Christian Bernadat